Autrice, auteure, écrivaine : qui fait quoi ?
Jeu de mots ou vrai débat ? Tu l’entends parfois, souvent peut-être, dans la pratique de ton métier : « il faut t’appeler auteure ou autrice ? ». Si on passe la première émotion de se dire qu’on fait un vrai métier et que quelqu’un nous reconnait enfin en tant que tel (youpiii), se pose alors la question du genre de cette profession et du mot placé derrière. Est-il vraiment utile que le terme qui désigne une femme qui écrit, soit genré ?
Auteure, celle que l’on voit, mais n’entend pas
C’est pourtant la féminisation la plus répandue et donc usitée. À titre personnel, j’ai du mal avec cette forme. Quand on dit de moi que je suis auteure, j’y entends auteur. Et donc, je ne me reconnais pas en tant que femme. Il n’y a pas mort d’homme, tu me diras, mais en fait si. Permettre au genre d’être identifié et identifiable assure aussi une reconnaissance des femmes dans cette profession. Tu as déjà entendu l’histoire de femmes ayant pris des pseudos genrés masculins pour pouvoir passer inaperçues dans un registre estampillé testostérone ? Quand en salon les lecteurs découvrent ces « auteurs », ils tombent des nues. « Je n’aurais jamais cru que vous étiez une femme ! ». Mais pourquoi ? Parce qu’une femme n’écrit pas de polar, de thriller, de dystopie ? Qu’elle doit se cantonner dans un registre où elle est attendue ? Triste, mais vrai.
Écrivaine, celle qu’on entend.
Comme auteure, l’écrivaine est une invention récente et un néologisme. Au mot écrivain, on ajouter le -e et emballez c’est pesé. Ce terme existe, il est utilisé par de nombreuses écrivaines et, à titre tout à fait personnel, je préfère cet usage au précédent. Pour autant, c’est un terme que je n’apprécie pas. Sans savoir pourquoi, il m’agresse les oreilles. J’ai lu un article intéressant qui disait qu’à force de l’entendre et de l’user, il finirait par entrer dans nos habitudes et nos pratiques. Je l’espère d’un côté tout en préférant le suivant.
Autrice, celle qui fait débat.
Alors là, accroche-toi, on part dans un débat sans fin (enfin, si tu vas vite voir qu’on s’arrête à un moment donné). Ce terme existe… depuis plusieurs siècles. Un détail, donc. Au même titre que l’actrice était le féminin d’acteur, autrice, est apparu naturellement comme le féminin d’auteur. L’autrice était donc la créatrice d’une œuvre. Mais attends… place des femmes tout ça tout ça : depuis quand les femmes sont-elles capables de créer quoi que ce soit en dehors des hommes ? Impossible pauvres fous !
Donc, le mot a disparu non pas pour des raisons de langue, mais pour des raisons politiques et sociales. Ça vous rappelle quelque chose ? Oh quand même n’exagérez pas !
Pour retracer l’histoire de l’autrice, je t’invite à lire cet article vraiment génial (2 minutes montre en main).
Tu l’auras compris, ce n’est pas là d’un débat de forme, mais un véritable débat de fond. Le titre confère ici une légitimité, une reconnaissance de son métier. Cela va au-delà du fait de pinailler sur un mot : il s’agit d’une lutte pour un statut. Tout comme la notion de « sous-genres » littéraires que nous abordions ici, ne pas reconnaître le féminin de cette profession est, à mon sens, permettre qu’encore une fois, le masculin l’emporte.